Mise en place du cycle biologique

Cycle biologique dans un aquarium. (1) ajout de nouriture et de nutriments, (2) production d'uree et d'ammoniac par les poissons, (3) Conversion de l'ammoniac en nitrites par les bacteries du genre Nitrosomonas, (4) les nitrites sont convertis en nitrates par les bacteries du genre Nitrospira. Les nitrates, moins toxiques que les nitrites et l'ammoniac, sont consommees par les plantes. Le renouvellement periodique de l'eau elimine les nitrates en exces. (5) Evaporation, (6) lumiere, (7) cycle de l'oxygene, (8) O2 produit par les plantes, (9) CO2 produit par les poissons.

Sommaire


Introduction

Tout aquariophile désireux de mettre en route un aquarium, que ce soit le premier ou non, est confronté à la problématique instauration du "cycle de l'azote" dans cet aquarium. Généralement, on recommande de provoquer une légère pollution de l'eau, soit avec des paillettes d'aliments pour poissons, soit par tout autre moyen, le plus connu consistant à ajouter une moule cuite dans le bac ou dans le filtre.

Avant d'aller plus loin, je crois nécessaire de mentionner que, en aquariophilie, le terme de "Nitrification" (qui désigne la transformation de l'ammoniaque en nitrites) est erroné et que le professionnel du traitement des eaux y verra la transformation de l'ammoniaque en nitrate, c'est-à-dire l'oxydation complète de l'ammoniaque.

Le but de cette opération est de fournir une source d'ammoniac (NH3), rapidement transformé en solution (NH4+). Un bref rappel du cycle de l'azote me semble donc nécessaire: Lorsque le bac sera peuplé, les principales sources d'ammoniaque seront les déchets issus du métabolisme des poissons (respiration, urine, excréments) et … des maladresses de l'aquariophile (nourriture non consommée). Cet ammoniaque, dangereux à très faibles doses, va faire l'objet d'une série de transformations, d'oxydations, qui aboutiront à un composé "moins toxique", l'ion nitrate (NO3 -).

On ignore généralement qu'il existe plusieurs méthodes pour établir le cycle de l'azote.

Le procédé le plus barbare consiste à introduire dans l'aquarium quelques poissons "résistants et de faible prix" qui fourniront la matière première aux bactéries. Cette méthode, bien que sûre, est éthiquement condamnable et je ne la cite que pour mémoire. Exemple à ne pas suivre.

Le procédé généralement utilisé dans nos pays est décrit ci-dessus: une légère pollution et on attend que l'ammoniaque soit transformé en nitrites, puis en nitrates selon le principe suivant, mettant à l'ouvrage plusieurs familles de bactéries, dont quelques unes sont citées :

Nitrification1.jpg

Si nous n'ajoutons pas régulièrement une source d'ammoniaque, le "carburant" premier du cycle fait défaut, ainsi que le nombre des bactéries de la nitrosation (Nitrosomonas qui ne trouvent plus d'aliment.) Il est donc impératif de jeter chaque jour quelques pailletes d'aliment dans l'aquarium pour entretenir la flore bactérienne de celui-ci.

Nitrification2.jpg

L'introduction d'un nombre trop élevé de poissons peut donc se traduire par une augmentation d'ammoniaque, puis de bactéries de la nitrosation et donc par un nouveau pic de nitrites. Cette situation est loin d'être rare. Surtout, il reste à déterminer quel nombre limite de poissons pourront être introduits. Franchement, personne n'en sait rien. De plus, l'introduction de poissons en petits nombres (donc en plusieurs fois) multiplie, malgré toutes les précautions prises, les risques d'introduction de maladie, parasitaires, bactériennes ou autres, et ce, malgré une "mise en quarantaine". D'ailleurs, le jeune aquariophile ne dispose généralement pas d'un bac réservé à cet usage. Que faire pour remédier à cet état de fait ? Une solution tombe tout de suite sous le sens: agir "comme si" les poissons de trouvaient déjà dans l'aquarium et nourrir des poissons virtuels ! Le problème étant que, le moment de l'introduction des poissons venu, l'eau de l'aquarium sera richement dotée en nitrates (ce ne sont pas les quatre plantes servant de décor qui seront capables de les résorber.) Il convient donc, si on a choisi cette méthode, de changer la majeure partie de l'eau de l'aquarium juste avant l'introduction des poissons, exercice acrobatique à mon goût. Face à cette situation, il a bien fallu trouver une solution, si possible mieux contrôlable à chaque stade de la nitrification. Elle nous vient des Amériques.

Le cyclage sans poisson

Cette méthode diffère peu de la précédente, si ce n'est que l'aliment de la première étape est un peu … particulier. En effet, au lieu de créer une pollution génératrice d'ammoniaque dans l'aquarium, on y introduit directement de l'ammoniaque. Les concentrations étant connues, on peut à chaque instant, à l'aide de tests appropriés se rendre compte de l'état d'avancement du cycle de l'azote. En effet, il convient d'ajouter chaque jour, une goutte d'ammoniaque (solution d' "alcali" du commerce) par tranche de 10 litres pour "alimenter" les bactéries de la nitrosation, celles qui transforment l'ammoniaque en nitrites. Ainsi, le jour où l'ammoniaque sera indécelable dans l'aquarium, on aura la certitude que les supports sont bien colonisés par les bactéries nitrosantes. De même, lorsque le pic de nitrites sera passé (malgré l'adjonction d'ammoniaque), on verra le taux de nitrates augmenter et le taux de nitrites sera indécelable. La suite ne diffère pas beaucoup de la méthode précédente car, le "cycle" établi, le taux de nitrates sera évidemment important. Il conviendra donc de changer une grande partie de l'eau de l'aquarium avant l'introduction des poissons, qui pourront trouver un nouveau logis à l'abri d'un nouveau pic de nitrites.

Le "cycle silencieux"

Cette méthode est fortement décriée et pourtant peu connue. De plus, elle est trop simple, ne nécessite pas de petites éprouvettes ni de bactéries pour jouer au petit chimiste. Je l'ai toujours pratiquée et je considère que les deux méthodes précédentes, en plus d'être une perte de temps, sont dangereuses. Contrairement à ce qui est généralement "enseigné", les plantes ne se nourrissent pas de nitrates, mais uniquement d'ammoniaque. Si nous admettons que les nitrates sont des aliments azotés de choix pour les plantes, il est indispensable de comprendre comment cette source d'azote est transformée pour être assimilable. L'ion nitrate subit ce que les scientifiques appellent la réduction-assimilation, qui est brièvement décrite ci-dessous: Il s'agit d'un phénomène purement enzymatique, à ne pas confondre donc avec la dénitrification, qui est réservée à une famille de bactéries et qui aura pour produit final la libération d'azote gazeux (N2). En schématisant à l'extrême, nous avons le cycle suivant:

Reduction.jpg

Ces deux enzymes ont un besoin impératif d'un métal, le molybdène, dont chacun d'entre vous connaît exactement la concentration dans son eau d'aquarium. On peut donc voir que cette voie enzymatique "retrace" en sens inverse le chemin qui a oxydé l'ammoniaque en nitrite, puis en nitrate. L'ion NH4+ alors être réutilisé par la plante.

Ceci est néanmoins un peu simple car nous ne parlons que de plantes terrestres. Les plantes aquatiques se sont adaptées à leur milieu et ont développé un autre système, bien moins exigeant en énergie, et qui leur permet d'assimiler directement l'ammoniaque tel qu'il se présente. Ce phénomène porte le nom d'assimilation. L'oxydation en nitrites et nitrates, puis le chemin inverse ne sont plus nécessaires. Cette assimilation fait également appel à des enzymes, dont la première, la glutamate synthétase, ouvre la porte à l'ammoniaque pour la synthèse d'acides aminés, dont le premier est l'acide glutamique.

Ceux qui ont bien voulu suivre jusqu'à ce point comprendront que, dans un aquarium planté, l'ammoniaque peut être directement réutilisé par les plantes sans avoir besoin d'être oxydé puis réduit.

En quoi consiste donc le "Cycle Silencieux" ? Je pense que vous l'aurez deviné: on plante généreusement l'aquarium et on introduit les poissons quelques jours plus tard. Le "cycle de l'azote" se fera ultérieurement et on ne remarquera ni présence d'ammoniaque, ni pic de nitrite. Néanmoins, pour parvenir à ce résultat, il ne faudra pas lésiner sur le nombre de plantes. On recommande généralement 2 ou 3 plantes par fraction de 10 litres d'eau de l'aquarium. Ayant toujours pratiqué cette méthode, je serais bien incapable de dire avec exactitude quelle était la densité de plantation de mes bacs, mais je n'ai sans doute jamais atteint le quota recommandé. Disons que mes bacs ont toujours été "bien plantés" et que tout s'est toujours déroulé sans incident, même en introduisant d'un seul coup la population définitive de l'aquarium. On m'objectera que cette méthode est ruineuse en plantes. Je ne le pense pas: un grand nombre de plantes de nos régions peuvent être utilisées, même si on sait que leur vie dans l'aqua-rium n'est pas durable. Prenons quelques exemples de plantes aquatiques de nos fontaines, rivières et lacs que l'on pourra "emprunter" à leur milieu naturel le temps que la plantation de l'aquarium s'étoffe: Elodea canadensis est très fréquente, les myriophiles également. Riccia est plus rare, mais néanmoins présent. J'ai une prédilection pour Fontinalis, dont on peut trouver 13 espèces en France, dans les mares stagnantes ou les cours d'eau vive, et qui vivent parfaitement de 5 à 30°C. Les lentilles d'eau se trouvent également facilement. Toutes ces plantes peuvent "épauler" une végétation encore insuffisante dans l'aquarium.

Cette dernière méthode présente de nombreux avantages: la population de poissons sera introduite dans une eau exempte de nitrite et de nitrate (sauf si ce dernier élément figure de façon non négligeable dans l'eau du robinet.) Qu'on ne perde pas de vue que, dans un bac de stockage, en animalerie, le taux de nitrates peut atteindre des sommets: 100 à 200 mg/l sont tout à fait possibles. Enfin, autre avantage de la méthode: fini les achats de "bonnes bactéries": elles seront introduites en même temps que les plantes et les déjections des poissons serviront à l'établissement d'un cycle de l'azote parfaitement indétectable, "silencieux".

Un bref récapitulatif :

  • mettre en place le sol de l'aquarium et remplir celui-ci ;
  • mettre toute la partie "technique" en fonctionnement (chauffage, filtration, éclairage…) ;
  • attendre deux ou trois jours pour s'assurer que tout fonctionne bien ;
  • procéder à la plantation ;
  • attendre que les plantes redressent la tête ;
  • introduire les poissons.

L'opération peut se dérouler sur une semaine, sans perte de poissons, ce qui, bien sou-vent, n'est pas le cas avec les deux premières méthodes. Et que vaut-il mieux ? Investir dans des plantes (ou se les faire prêter) plutôt que débuter l'aquariophilie par un beau pic de nitrite et une perte de poissons ou des problèmes à n'en plus finir, avec achat de médicaments, puis de "bonnes bactéries" pour remédier aux effets dévastateurs des médicaments ?

Chacun se fera sa propre idée sur les trois méthodes décrites ci-dessus. Je peux néanmoins affirmer que je n'ai jamais constaté de pertes significatives en utilisant la méthode du "cycle silencieux". Et je n'ai jamais connu d'autre méthode.

Enfin, pour ceux qui jugeraient que le "cycle de l'azote" ne se limite pas à l'oxydation de l'ammoniaque en nitrate, puis à une réduction de ce nitrate en ammoniaque, il convient de mentionner que l'ammoniaque est réutilisé par les plantes (les algues aussi, malheureusement) et également par des bactéries facilement mises en évidence sur les tuyauteries de nos filtres où elles forment une pellicule graisseuse. Tous ces êtres vivants qui se nourrissant de composés azotés forment ce que les spécialistes appellent la "biomasse". Le principe cher à Lavoisier "Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme" trouve ici une démonstration irréfutable.

Liens

Wikipedia-logo.png Wikipedia : Cycle de l'azote
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