Gaz carbonique et plantes

Sommaire

Il ne sera question ici que du carbone minéral (CO2) et non du Carbone Organique Dissous, contenu essentiellement dans les substances organiques dont la décomposition et la minéralisation complète ne sont pas achevées.

L'usage du CO2 en aquariophilie n'est pas destiné, comme on le voit parfois écrit, à faire baisser le pH d'une eau, même si, de fait, il participe à cette baisse.

Nous ne considérerons cet élément que comme un "nutriment" pour les plantes, au même titre que l'oxygène, l'hydrogène, l'azote, le phosphore, le fer, le magnésium et bien d'autres.

Formes du CO2

Dans les eaux naturelles, le CO2 est présent (ou susceptible de l'être) sous des formes diverses. Nous le retrouvons dans les carbonates qu'il forme avec les minéraux alcalinoterreux (calcium, magnésium) ou alcalins (sodium, potassium...) Il est alors combiné avec un minéral, mais il peut être présent sous d'autres formes: CO2 libre.

Nous pouvons donc dresser ce schéma:

Gaz carbonique dans l'eau.jpg

Le CO2 "équilibrant": il maintient en solution les hydrogénocarbonates. Son déficit dans l'aquarium va amener les plantes à "piocher" dans les hydrogénocarbonates le CO2 nécessaire à leur survie et il y aura précipitation de carbonates (eau blanche (décarbonatation biogène.))

Le CO2 libre peut également être en grand excès dans l'eau. En se combinant avec l'eau, il formera un nouveau corps chimique, dont la formule devrait être CO2,H20, mais qu'on nomme "acide carbonique" (H2CO3.) Une eau qui contient ce CO2 en excès sera dite "agressive". En effet, si elle est en contact avec un alcalinoterreux ou un alcalin, elle va dissoudre celui-ci jusqu'à neutralisation de son acidité.

Intérêt de l'utilisation du CO2

Le but de l'opération est simple: fournir à la plante une source de carbone directement assimilable et disponible pour l'élaboration des "sucres" à partir de l'atome de carbone du CO2. Il va de soit que cette adjonction n'aura d'intérêt que si tous les autres nutriments essentiels à la croissance de la plante sont présents dans l'eau (ce qui n'est généralement pas le cas pour les eaux d'aquarium), et dont la lumière fera également partie.

La plante, comme tous les êtres vivants consomme de l'oxygène. Mais elle est dotée d'un mécanisme d'assimilation du gaz carbonique, qui n'entre en action que pendant le temps où elle est éclairée: il s'agit de la photosynthèse. "Photo" car la plante à besoin d'une énergie lumineuse et "synthèse" car c'est à ce moment qu'elle élabore des "sucres" indispensables au développement de ses tissus ou de ses réserves énergétiques, à partir de l'atome de carbone du CO2.

La réaction est très schématiquement la suivante: CO2 + lumière ---> C + O2

Au final, la quantité d'oxygène produite par les plantes est supérieure à leur consommation. D'où le rôle oxygénateur des plantes dotées de chlorophylle (la photosynthèse n'existe pas chez les champignons.)

Que se passe-t-il lorsqu'on introduit du CO2 dans de l'eau ?

Tout d'abord, on obtient un "acide" dont la formule est la suivante: CO2 + H2O--->H2CO3 L'existence de cet acide est tout à fait théorique puisqu'il n'a jamais pu être isolé ou synthétisé en laboratoire, contrairement à la plupart des autres acides. A la rigueur, il s'agirait même d'un abus de langage.

En fait, le CO2 va se présenter sous diverses formes, selon le pH de l'eau, auquel il participera d'ailleurs. Ainsi, s'il n'existe dans l'eau aucun minéral susceptible de consommer ce gaz pour produire des carbonates, le CO2 restera en l'état d' "acide carbonique". Il en va de même pour tous les acides, s'ils ne sont pas neutralisés par une base pour produire un sel et de l'eau.

Le problème qui nous préoccupe ici est celui de la dangerosité possible du CO2 dans une eau déminéralisée ou sa distribution par un système qui ne permet aucune interruption en cas de baisse importante du pH (régulateur de pH.)

Formes de CO2 en fonction du pH

Répartition du carbone minéral dans l'eau.jpg

On peut constater qu'à des valeurs très basses de pH, l' "acide carbonique" est la seule forme du CO2 dans l'eau. A pH=4, la quasi-totalité du CO2 se trouve sous cette forme. Il y a donc du soucis à se faire car peu de poissons sont susceptibles de tolérer une telle acidité. Ils seront victimes alors d'acidose.

Ce n'est qu'à une valeur de pH= 6,4 qu'on peut constater que l' "acide carbonique" est neutralisé à 50% et que les 50% restant se trouvent sous forme d'hydrogénocarbonates, abusivement appelé "bicarbonates".

A pH= 8,3 (8,275 en fait), l' "acide carbonique" a totalement disparu, laissant place aux hydrogénocarbonates. Au-delà de cette valeur, ce sont les carbonates (CO3) qui commencent à prendre une importance croissante. Cette valeur de pH ne concerne pas l'aquariophile en eau douce, mais elle est celle que tout aquariophile marin cherche à maintenir à tout prix dans ses bacs.

A pH=10,4, la moitié du gaz carbonique entre dans la composition des carbonates.

Limites à l'utilisation du CO2

Les valeurs de pH généralement admises en aquariophilie se situent entre 6 et 7,5 pour ne citer que les valeurs les plus usuelles. Il y a bien évidemment des exceptions.

La supplémentation en CO2 n'est souhaitable que dans le cas d'un aquarium abondamment planté, dont la végétation risque d'épuiser les réserves de l'eau en gaz carbonique. En dehors de ce cas, il n'est guère souhaitable de s'équiper d'un matériel assez coûteux, aussi bien en investissement qu'en fonctionnement.

Que peut-il arriver dans un bac très planté ? D'abord, on pourra constater une stagnation de la croissance des plantes. En second lieu, si les plantes viennent à manquer de CO2, elles iront le puiser en premier lieu dans l'eau (CO2 "agressif"). Si cela ne suffit pas, elles piocheront dans les réserves de CO2 "équilibrant", puis dans les hydrogénocarbonates (HCO3-) eux-mêmes. A ce moment, il n'y aura plus du tout de CO2 "équilibrant" pour maintenir les métaux alcalins et alcalino-terreux en solution. On assistera alors à une apparition d' "eau blanche" voire de "flocons" en suspension au sein de cette eau: nous serons en présence du phénomène de la "décarbonatation biogène" (passage des ions hydrogénocarbonates au stade de carbonates, corps solides.) Une hausse du pH accompagne toujours ce phénomène, et il y a risque d'alcalose pour les poissons. Une supplémentation en CO2 s'impose alors, mais l'achat d'un test pH permanent, voir d'un régulateur de pH sera souhaitable.

Si on ne désire pas faire cette acquisition (en raison de son prix), il est hautement souhaitable de limiter les apports en gaz carbonique à 15 mg/l tout au plus et de cesser cette alimentation une heure avant l'extinction de l'éclairage. En effet, dans l'obscurité, non seulement les plantes ne consommeront plus de CO2, mais elles en produiront et consommeront de l'oxygène: les poissons risquent alors de ne plus trouver l'oxygène qui leur est nécessaire.

Conclusion

Avant d'envisager une supplémentation en CO2, selon une méthode artisanale ou en employant un matériel plus sophistiqué, il est nécessaire de se demander si on en a vraiment besoin. Si on ne désire pas se lancer dans l'aventure des "bacs plantés" (n'abritant souvent que très peu de poissons), une telle dépense ne s'impose pas.

Rappelons également que le CO2 n'est pas l'élément unique et magique qui fera croître et pétiller les plantes d'oxygène: il sera nécessaire de fournir tous les aliments dont elles ont besoin, ce qui suppose des frais supplémentaires, notamment en engrais, fer, oligo-éléments, ainsi que les tests destinés à mesurer les taux de ces éléments dans l'aquarium !!!

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